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10.08.2021

L’ambroisie et la grande bouffe

Il n’y a guère de plante aussi allergisante que l’Ambrosia artemisiifolia: 11 pollens par mètre cube d’air suffisent pour déclencher de graves réactions allergiques et de l’asthme. Pour comparaison: avec les graminées, il faut 50 pollens.

On pourrait presque la rater: quatre millimètres, brun clair avec des lignes foncées. Même si cette minuscule chrysomèle semble insignifiante, son appétit est spectaculaire: l’insecte vorace appelé Ophraella communa engloutit des champs entiers d’ambroisies. Et réduit ainsi de 80 % la quantité de pollens, ainsi que prouvé par Heinz Müller-Schärer, professeur d’écologie et d’évolution à l’Université de Fribourg, avec d’autres chercheurs. Un réel espoir pour les personnes souffrant d’une allergie pollinique.

Un passager clandestin

Mais le coléoptère ne peut pas encore être lâché dans la nature suisse pour combattre l’ambroisie à feuilles d’armoise. «Nous devons encore réaliser d’autres tests pour nous assurer qu’il ne grignote pas également nos plantes indigènes», dit Müller-Schärer. Un point important! En effet, le coléoptère a été introduit d’Amérique du Nord – tout comme l’ambroisie d’ailleurs. Il devrait être arrivé à l’aéroport de Milano Malpensa vers 2013, en tant que passager clandestin, et s’être propagé ensuite dans le nord de l’Italie et en Suisse méridionale. «De tels intrus peuvent menacer la faune et la flore indigènes», explique l’écologiste Müller-Schärer. «Jusqu’à présent, Ophraella semble toutefois clairement avoir un plat préféré: l’ambroisie.» En collaboration avec le Centre for Agriculture and Bioscience International (CABI) à Delémont, le scientifique effectue des recherches sur la chrysomèle de l’ambroisie depuis des années.

Dangereuse pour les allergiques, mauvaise pour les champs

La recherche d’un adversaire naturel contre l’ambroisie a mené Heinz Müller-Schärer d'un bout à l'autre de la planète. Après la première conférence internationale sur l’ambroisie à Budapest en 2008, il était clair qu’il fallait agir contre cette mauvaise herbe invasive qui ne menace pas seulement la santé, mais qui nuit également à l’agriculture. Et ce, non avec un poison ni un fauchage ardu, mais idéalement avec un adversaire qui la tiendrait en échec tout à fait naturellement.

Après la conférence de Budapest, le biologiste fribourgeois s’est rendu aux USA où il a d’abord fait connaissance d’une «petite sœur d’Ophraella communa, Ophraella slobodkini» – au départ une candidate prometteuse dans le combat contre l’ambroisie. En 2013, il a ensuite trouvé la «bonne» Ophraella communa en Chine: elle y avait immigré par hasard et causait des dégâts importants à l’ambroisie. «À peine de retour en Suisse, une collègue du service de protection phytosanitaire du Tessin m’a appelé et parlé d’un coléoptère qui se trouvait en masse sur les plantes d’ambroisie», se rappelle Müller-Schärer. Et ce coléoptère était… Ophraella communa! Heinz Müller-Schärer n’en revenait pas: cet insecte était déjà là chez nous aussi! Une visite sur place et dans le nord de l’Italie montra partout des ambroisies totalement ravagées: la candidate par excellence était trouvée. Le hasard avait bien fait les choses pour le biologiste.

Tests, tests, tests

Les recherches furent directement lancées avec empressement, afin de découvrir si Ophraella communa «est uniquement utile ou également nocive», dit Müller-Schärer. Les chercheurs ont déterminé la quantité mangée par les chrysomèles et les larves ainsi que l’effet sur la production de graines et de pollens. Ils ont également vérifié si Ophraella ne mange que l’ambroisie ou éventuellement d’autres plantes aussi, par exemple le tournesol qui lui est apparenté. L’élevage du coléoptère a permis de suivre l’évolution et la modification possible des préférences alimentaires sur 10 générations. «Les expériences ont eu lieu à Fribourg, dans un local de quarantaine, et en Italie du Nord, sur les champs infestés», explique Müller-Schärer. Les biologistes, allergologues, épidémiologues, aérobiologistes et économistes du paysage de toute l’Europe sont en contact continu pour attaquer ensemble le problème de l’ambroisie et par-delà des frontières.

La conclusion provisoire des chercheurs: «Ce coléoptère pourrait permettre d’économiser environ 1,1 milliard d’euros sur les 7,4 milliards de coûts occasionnés par l’ambroisie en Europe», déclare Heinz Müller-Schärer. La chrysomèle de l’ambroisie «est une véritable machine qui bouffe 24 heures par jour, 7 jours sur 7». En outre, comme le dit son nom, la chrysomèle de l’ambroisie n’aime qu’une seule chose jusqu’à présent: l’ambroisie. Qui n'est aimée par personne d’autre.

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